Titouf et le Père Noel  

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TITOUF ET LE PERE NOEL

 

Le doux bruit des flocons de neige qui s’entassent dans Central Avenue invite Titouf à la paresse. Allongé sur le flanc, le petit chien goûte aux joies de se réchauffer près d’un bon feu de cheminée.

Ses paupières laissent encore percer jusqu’à sa rétine les images floues d’un monde jovial où la misère côtoie la richesse, où la compassion et l’amour ne sont que vaines illusions, lanternes d’un espoir où viennent se consumer les ailes diaprées des papillons de nuit, même le 24 décembre. ( y a pas ; Bach, c’est bath pour foutre le bourdon ).

La rue éclairée de mille feux est magnifique à voir ; les gens se hâtent de rentrer chez eux en cette fin d’après midi. Tous arborent cette mine si particulière des gens heureux. Titouf peut voir sur leurs visages la joie se dessiner ; c’est beau le joie, c’est gros comme une bouche en cul de poule ; c’est rond comme les lèvres des enfants qui s’émerveillent, c’est chaud comme le tendre baiser que ces deux amoureux sont en train de s’échanger ; c’est….

PLATCH ! ! !

Allons donc ; encore ces maudits gamins qui lancent des boules de neige sur les fenêtres des maisons. Quand la patronne va s’en apercevoir, y’en a qui ont du souci à se faire ; ah ! ! ! folle jeunesse…

POP…

Titouf détourne son attention de dehors pour mieux observer ce qui se passe chez lui :

bulletChampagne ! ! ! ah mince y en a un peu par terre…. Trop secoué peut-être ?
bulletPas grave, allez serre les flûtes, Rosalie nettoiera tout à l’heure.

Titouf allait fêter son premier noël dans sa famille d’adoption ; Il repense à cette année écoulée. Un an déjà. Comme le temps passe vite.

Il laisse échapper un soupir de contentement ; que de progrès accomplis, c’est indéniable, dans sa compréhension personnelle de la vie de chien. Et pourtant tant de nouvelles choses à découvrir, promesses d’un éveil et d’un enchantement perpétuels…

Pâté à telle heure, crottes et pipi ici et là ; caresses quand il faut, parfois des joujoux. Aboyer quand vient le facteur, faire le pitre pour amuser la galerie, leur faire croire qu’ils sont uniques, qu’ils sont les meilleurs et qu’ils sont les plus beaux dans ce monde de laideur ; croquettes, luttes avec le chat et journal sur le cul quand y a des conneries de faites ; bref, la vie de chien…

Re soupir…

C’est d’un ennui en fin de compte la vie de chien dans Central Avenue. Toujours recommencer chaque jour ce qui a déjà été fait la vieille, faire l’étonné dans ce grand rôle théâtral qui vous colle à la peau. Ce décor que rien ne peut altérer...

" The first Christmas "de Bing Crosby en sourdine, le crépitement du feu qui se meurt tandis que l’alcool des premiers apéritifs réchauffe les corps.

Au milieu du salon trône un sapin de haute taille. Du haut de sa cime, le lutin de service vient faire la risette à madame l’étoile. Une prise de courant lui sort des fesses et l’illumine de ses 50 watts. L’indélicat a les joues écarlates, et le gêne causé par son embarras et par la chaleur ambiante, le font ressembler à un homard sauce armoricaine.

De guirlandes et de boules décoré, le roi de tous les sapins parade dans la plus parfaite immobilité. Qu’il est beau, qu’il est grand. Il s’est invité au milieu du living et personne ne s’en émeut…faut dire que c’est rien que du plastique maintenant les sapins; c’est moins salissant et ça ne détruit pas les forets. Et pour consoler votre pauvre petit cœur d’artichaut en cette vieille de fête chrétienne, on vous file gratis un sac à sapin pour le renfermer ; en plus, pour vous permettre de faire votre bonne action annuelle, dix pour cent de la vente du sac est reversé à des œuvres caritatives.

C’est y pas beau ça ma p’tite dame ; mais bien sur qu’on vous l’emballe avec du papier bleu, y a qu’a demander…c’est ça noël…

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Comment ? si les éléphants d’Asie sont encore sauvages ? quoi ? la foret qui disparaît de moitié en moins d’un siècle ? ben c’est le progrès ma p’tite dame ; qu’est ce qu’on y peut nous…tout ce qui compte, entre nous je vous l’avoue, c’est de m’en foutre plein la lampe ce soir ; hein ? y’a des gamins qui crèvent la bouche ouverte ? Ce que j’en pense ? ben que c’est un manque d’éducation… moi, quand j’ai quelque chose dans le gosier, je la ferme, alors de quoi qu’y se plaignent ! ! ! et puis, je ne les empêche pas de faire noël moi que je sache.

Voilà ma pt’ite dame, c’est tout ce qui vous faudra ? ben écoutez, pour les doléances, on se revoit l’année prochaine si ça ne vous dérange pas, parce que je viens d’épuiser mon stock de compassion qui m’était dévolu pour l’année, allez, à 2004 ma p’tite madame, et joyeux noël ! ! !

Titouf cesse de penser tout bas et se retourne sur l’autre flanc histoire de cuire comme une parfaite paupiette de veau. Miss Couic Couic le regarde de ses yeux verts émeraude. Le petit chien estime qu’il est temps de rigoler un peu en ces temps de fêtes.

Leur panse à tous deux est copieusement étirée, et Titouf s’amuse à faire des plis avec son bidon ; il se met à fredonner :

bulletJ’ai bien mangé j’ai trop bu, j’ai la peau du ventre bin tendu. Burps… Ah vache pas dégueux cette tranche de foie gras. C’est ça l’avantage d’être avec des vieux pétés de tunes, on bouffe mieux qu’chez Mac Do et on a pas l’impression de jouer le jeu du capitalisme primaire américain. Ne pensez vous pas chère amie ? fait-il en s’adressant à son compagnon de beuverie.

N’obtenant de sa part aucune réponse encline à amorcer une discussion amicale, il décide de s’adresser au maître de maison. En parfait gentleman qu’il est, le petit chien, délicat comme un bouton de pétunia au mois de mai, s’exprime de la façon la plus triviale afin d’être compris de tous.

bulletVas y paie ton coup de mousseux le vieux ! ! ! Quoi juste pour me rincer les babines ; ben t’es pas prêteur l’ancien, c’est pas chic de ta part ; je vais devoir me servir à la source. Et d’insister ;
bulletAllez vas y papi brossard, soit pas chien, aboule le reste. Toi pas comprendre ? heu, comment lui dire ça…..

Y a rince m’y et rince moi qui sont sur un bateau, et manque de bol, y’en a un qui tombe au jus dis donc ; pas de chance hein ? ? ? Non plus ? Toujours pas ?

Moi vouloir eau qui pique… vouloir glouglou ; toi y en a capici ? dondé comprendé ?

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A table, la dinde est prête et elle n’attend pas ! ! ! Oh , James, attention le champagne enfin, quoi , darling ; c’est du Don Pérignon tout de même , il vient tout droit de France ; hi hi hi, tu as vu comme je l’ai bien dit : de Fraaance hi hi hi.. Laisse, pas la peine de ramasser, Titouf s’en charge, regarde le, il aime le champagne ; hi hi hi. Tiens tu me sers un verre de Coca pour aller avec le caviar ; thanks…

Ledit Titouf s’avance en effet prudemment du liquide renversé par mégarde. Il hume l’air, renifle les odeurs, se concentre puis lape. Pas de doute possible, c’est acre, ça pique, dégueux en bouche, pas de finition ; c’est bien du don Pérignon.

Passablement éméché par la rencontre du troisième type avec la bouteille de champagne, Titouf déblatère à tire larigot des inepties propres aux personnes fortement alcoolisées un soir de noël. La maîtresse de maison l’interrompt ;

- Allons les enfants, il est temps de passer à table. Venez tous à la salle à manger, l’émission spéciale de noël va bientôt commencer et je ne veux pas la rater cette année ; marre des invités de dernière minute.

Rosalie, si quelqu’un sonne à la porte, vous voudrez bien l’éconduire et le reconduire avec le plus de fermeté possible ; suis-je drôle non …l’éconduire et le reconduire…non ? bon tant pis.

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Bien mait’ess. Comme ma’ame le dési’era, oui la pat’onne est t’es d’ôle…flagorne la servante qui répond au doux nom de fleur ( normal me direz vous, vu que c’est une belle plante…).

Le salon déserté, Miss Couic Couic se lève de sa couche. Magistrale, gracieuse incarnation de la parfaite beauté animale, elle contemple l’épave qu’est devenu Titouf le petit chien. Le bougre vire à droite, à gauche et soliloque à qui mieux mieux :

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Non d’un bourrin, y’a du vent dans le mât de misaine ce soir moussaillon ; ça tangue pire que sur la fer en mûrie, heu la bière en tonnelet ; nan ! ! ! ah mince, ja oublié. Tant pis ; …Oh là ! ! ! ; ça scoue hein marin d’eau douce ! ! ! fait-il en apercevant la chatte. T’inquiète, c’est que t’as pas le pied marin, laisse, ça viendra tout seul.

Et le voilà de brailler :

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Et une bouteille de rhum, yoho ! ! ! attends voir mon zig de pas la casser si tu veux pas finir pendu à la grande vergue. Oh là, marin, que le grand crique me croque ; où en sont les réserves ? Bien ; alors en route pour le tour du monde….Il nous fait faire mieux que ce Philéas Frogg. Quoi ? c’était pas une grenouille de français ? ( note de l’auteur ; pour la bande d’incultes que vous êtes, frogg en angliche signifie grenouille, et c’est ainsi que les british nous surnomment ) Fogg si tu veux mon vieux Sam ; écoute, voilà ce qu’on va faire, tu vas aller dire à l’amirauté que Christian Fletcher s’est emparé du Bounty et qu’il se dirige avec Long John sur l’île aux pirates, d’acc ? et si tu croises Tom Sayer t’y donnes le bonjour de tante Becky. Ah moi la flibusterie ! ! ! ! HOUHOUHOU ! ! !C’est nous les gars de la marineeeuu ! ! !

Le canidé n’a pas le temps de finir la chanson qu’il s’écroule ivre mort sur le tapis.

Miss Couic Couic juge comme Stanislas Lefort que l’entracte lui a donné faim et soif.

Elle soulève le tapis du salon, débusque la capsule du champagne et s’en sert comme d’un monocle. Après quoi, avec comme accompagnement les ronflements sonores de Titouf, la voilà qui se met en quête d’un reliquat de caviar et de champagne ; histoire de continuer les agapes dans les meilleures conditions.

Parvenant sans trop d’efforts à trouver ce dont elle a besoin en cette vieille de noël, elle s’allonge sur le tapis persan ( on est chat ou on ne l’est pas ) et en grande starlette d’un soir qu’elle est, déguste son festin.

Hum… les molécules d’iode, libérées des œufs d’esturgeons lorsqu’elle les croque, viennent agréablement titiller ses papilles très sensibles. Et ce champagne qui dévoile ses charmes les plus secrets ; le nectar frappé renferme des arômes fruités et aériens qui viennent s’unir au caractère sauvage de toute la mer Caspienne. Les saveurs se mélangent dans la bouche en libérant les bulles d’alcool, renforçant l’ivresse de la dégustation ; c’est un rêve éveillé, la communion terrestre de l’orient et de l’occident, l’acmé de la fusion charnelle, c’est le paradis de miss Couic Couic.

Ah…. Une vague de plaisir traverse le corps du gourmand gourmet ; le monocle tombe, vient rouler sur le tapis avant de finir sa course devant la truffe du chien.

Epuisée par toutes ces émotions, la chatte sombre elle aussi dans un sommeil haut en couleur.

Elle est belle, il fait beau. Les troupes sont assemblées selon un ordre strict, héritage de la tradition militaire. Un porte étendard présente chaque compagnie qui vient défiler devant-elle. Toutes les petites têtes des soldats souris se tournent lorsqu’ils la croisent, elle, la Général. Son regard fiévreux contemple cette force qui est à ses ordres; des milliers et des milliers de rongeurs prêts à satisfaire le moindre de ses désirs.

La tentation d’en croquer quelques uns est très forte. Sabre au clair, la Général va devoir faire une sélection impitoyable ; mais en parfait officier qu’elle est, elle sait prendre les décisions qui s’imposent lorsqu’elles s’imposent. Le passage en revue des troupes commence…

Des têtes volent ; c’est la débandade dans les rangs; la chef argue qu’ici des chaussures sont mal cirées, des cheveux trop longs, des moustaches pas assez frisées… aucune résistance n’est opposée ( on ne peut pas dire grand chose quand on est la grande muette ) . C’est la curée, elle sent le sang gicler sur ses moustaches ; ce sentiment de supériorité accroît sa volonté de tous les tuer ; pas de quartier…

La mêlée fait rage, les corps s’entrechoquent, se dévorent, se percutent, se tirent les moustaches, se…

du bruit… pas ce que c’est ! ! !

se tirent les poils. Il n’y aura pas de survivant en cette belle journée. La place d’arme ressemble à une boucherie.

bulletHep, tu te décides à émerger mémère ! ! j’entends du bruit ! ! ! ça vient de la cheminée…

Miss Couic Couic ouvre les yeux. Quel est l’insecte qui a pu avoir l’indélicatesse de la sortir de ses rêves ? La chatte ouvre prudemment  le deuxième oeil. Le gentleman qui l’a réveillé la regarde avec un sourire en coin ; il est fier d’arborer le monocle qu’il a trouvé à son réveil devant lui.

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- Pauvre con… pensa la chatte ; même pas foutu de mettre un monocle correctement sur sa tronche et ça minaude comme un milord.

Il est vrai que Titouf commence à voir double avec sa trouvaille, mais il est trop fier d’être parvenu, pour une fois, à attirer l’attention de la chatte. Il continue à déambuler devant elle en lui lançant à l’envi des clins d’œil persévérants. Miss Couic Couic n’aime pas du tout être réveillée le soir de noël alors qu’elle est dans les doux bras de Morphée ; elle juge que la grâce affectée avec laquelle Titouf joue les dandys a assez duré.

Pourtant, le canidé, en petit cabochard qu’il est, vient parfaire sa panoplie en mettant sur sa tête un de haut-de-forme bien trop petit pour lui qu’arborait une créature du sapin.( il avait vu faire ça dans la belle et le clochard ).

Miss Couic Couic se lève du tapis persan. Elle s’étire et ferme un instant les yeux ; ses griffes sortent tels des poignards de ses pattes, faisant craindre le pire à Titouf.

La chatte elle aussi entend du bruit. Son ouie, bien plus développée que celle du petit chien dont les écoutilles sont autant de ruches servant de resto aux mouches à miel, distingue parfaitement des pas sur le toit de la maison.

Les animaux se dirigent vers l’âtre de la cheminée où le feu flamboie encore malgré l’heure matinale de ce 25 décembre. Les bruits se rapprochent, comme si quelqu’un s’amusait à marcher avec un gros paquet sur le toit.

bulletDes cambrioleurs ? s’inquiète Titouf
bulletNan, pas avec le feu au cul, z’oseraient pas, lui répond le félidé.

Miss Couic Couic n’a pas le temps de finir sa phrase que, comme par magie, le feu s’éteint.

Les deux animaux entendent parfaitement maintenant que la personne est en train de s’engouffrer par la cheminée. Intrigué, Titouf penche sa tête vers la gauche, miss Couic Couic vers la droite. Leurs regards se croisent ; chacun peut lire dans les prunelles de l’autre la peur se dessiner.

bulletQu’est qu’on fait ? déglutit Titouf
bulletOn a qu’à, qu’à aller voi, voir…bégaye Miss Couic Couic
bulletSais p, p, pas bredouille Titouf ; c’est peut être risqué , non ?
bulletEt si, si, si on y allait les deux en même temps ? demande la chatte
bulletD’accodac, à trois on fonce, réplique le petit chien…

 

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- Trois ! ! ! l’envie d’impressionner donne des ailes à Titouf. Il s’élance, bientôt rattrapé par la chatte, un peu vexée d’avoir fait montre de sa frayeur passagère.

Puis, d’un commun accord, Titouf jette le premier un rapide coup d’œil dans le conduit de cheminée.

bulletAlors ? qu’est ce que tu vois ? s’enquiert la chatte.
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- Sais pas, on dirait de la gélatine rouge, ou non, plutôt une grosse praline ; quoi que tout compte fait, ça ressemble plus à une fraise taguada géante ; comme dans le film de l’invasion des bombons.

 

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- Fais voir…Miss Couic Couic se risque à son tour. Et, mais ça bouge, ça descend par ici, et rapidement en plus ! ! ! planquons nous…allez, vite ! ! !

C’est la débandade, l’hallali est sonné. Les deux compères s’enfuient comme une envolée de moineaux et courent se réfugier derrière le canapé.

bulletMerde, mon chapeau ! ! j’ai oublié mon bitos ! ! ! fait Titouf ; tant pis, j’y retourne ! !
bulletNan, t’es fou, reviens, il va t’avoir, reviens t’entends ! ! ! s’écrie miss Couic Couic

Mais déjà l’apprenti zéro revient avec dans sa gueule le haut-de-forme qui lui faisait défaut.

bulletPas pu.., pfou pff , avoir le… , pff, pff monocle, halète-t-il…
bulletChut, je crois qu’il arrive…

Les deux amis se positionnent de façon à pouvoir observer la cheminée sans être découverts.

La marmelade rouge surgit soudain de l’âtre en poussant un cri affreux :

HO HO HO ! ! !

Puis la bête s’accroupit et farfouille dans son grand sac qui lui sert à enlever sans doute ses proies innocentes. Titouf et miss Couic Couic sentent le froid glacer leur sang. L’engeance immonde est grosse, joufflue et ventripotente. Sans doute le dernier carnage qui a du mal à passer, pense le petit chien.

La chatte se sent le devoir de prendre l’initiative ; face à ce monstre, l’attaque étant la meilleure des défense, elle échafaude un plan de secours.

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Titouf, voilà ce que l’on va faire ; on va attaquer l’assaillant de front ; tu vas mettre ton chapeau et prendre ton air le plus naturel qui soit ; ta laideur est telle que tu pourrais bien lui faire connaître la peur de sa vie. Quand je le dirai, on fonce tous les deux sur lui ; toi tu lui fais peur, tu jappes un peu histoire de faire plus vrai, et n’hésites pas si tu peux à le mordiller ; moi pendant ce temps, je reste en arrière et je prépare notre retraite ; des questions ?

bulletBen oui, pourquoi toi tu…
bulletOk, puisqu’il n’y a pas de questions, je compte jusqu’à trois et tu fonces, d’acc ?
bulletMais je ne peux pas…
bulletTrois ! ! ! !

Et voici Titouf paré de son haut-de-forme noir qui déboule comme un feu follet vers l’intrus. Avec son beau chapeau, il ressemble à …à rien. Il jappe autant qu’il le peut et décrit des cercles concentriques autour de sa proie afin de mieux la déconcentrer.

Décontenancé, le monstre l’est en voyant cette boule de poils hirsute fondre sur lui comme une furie. La fraise taguada se redresse ; Titouf en profite pour cibler l’avatar de Satan ; il va lui porter l’estocade. Les deux grosses parties charnues dont la bête est pourvue semblent être de premier choix ; on dirait des pommes d’amour géantes. Le canidé plonge tête la première et mord à belles dents.

Le monstre pousse un hurlement de douleur qui effraye Titouf ;

bulletAIEOUOUOU HOU ! ! ! Nom d’un caribou, il m’a mordu les fesses le p’tit con ! ! !

Titouf penche la tête et se met à quatre pattes ;

bulletTiens, ça parle une fraise taguada ? ? ?

Miss Couic Couic sort de sa cachette et vient renifler le morceau de tissu rouge sanguin que Titouf garde dans sa gueule comme trophée de sa prise.

bulletBizarre…ça sent la naphtaline ; marrant pour une fraise de sentir autre chose que les sous-bois.

Le grand gaillard rouge se relève et glisse sur le monocle de Titouf pour retomber lourdement avec perte et fracas sur le dos…

bulletOUHOUAIEAIE, Oh la vache, les p’tits cons ! ! !

Puis il se met sur son séant et considère d’un drôle d’œil les deux compères qui se présentent devant lui. La larme à l’œil, il s’adresse à eux dans un langage inintelligible pour tout autre être humain :

bulletToi, le petit chien marrant, avec ton beau chapeau, tu dois être P’tite touffe c’est ça ?
 
bulletNon, mon blaze, c’est Titouf, le roi du barouf. Et toi t’es qui ?
 
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Comment ça qui j’ suis ? je suis le père noël ; c’tte bonne blague. On m’avait dit que t’étais un comique mais là…et toi, l’instigatrice de cette petite réception, tu dois être Miss Couic Couic, n’est ce pas ?

 
bulletVoui, rétorque-t-elle. Comment ça se fait que tu nous connais et pas nous ?
 
bulletParce que le père noël se doit de tout savoir, pardi.
 
bulletLe fer de Joël ?
bulletNan ! ! le PERE NOEL, Titouf, le PERE NOEL ! ! ! ; celui qui vient distribuer les cadeaux aux petits enfants qui ont été sages toute l’année.
 
bulletEt nous ? lui retourna Titouf, on en a des cadeaux ? dis, hein, on en a dis, dis hein ? ? ?
 
bulletJ’sais pas trop, j’suis en train d’y réfléchir. Vu la façon dont vous m’avez reçu…
 
bulletC’est pas de notre faute, on croyait que t’étais une fraise taguada géante…MIAM ,SLURP fait Titouf en dévisageant le bonhomme rouge, une soudaine envie coupable dans les yeux.

Et miss Couic Couic de surenchérir :

bulletOn a pas idée non plus de passer par la cheminée…pfff ! ! !
 
bulletMouais ; pour cette fois ça ira, mais vous devrez me promettre d’être bien sage l’année prochaine, d’accord ?
bullet

Mais, frère Joël, nous on a pas été les plus méchants ; aux autres tu leur dis rien, et puis tu sais, je viens juste d’avoir un an ; regarde, j’ai des crocs qui vont tomber ! ! ! s’exclame Titouf en exhibant fièrement sa gueule garnie de chicots pourris tous aussi branlants les uns que les autres. J’attends la petite souris pour qu’elle me donne un cadeau…

 
bulletCa risque pas, commente Miss Couic Couic en se léchant les babines.

La grosse fraise taguada commence à ne plus se sentir à l’aise avec ces deux animaux, trop humains peut être…

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Bon, les petits, je vous donne vos cadeaux et on se dit à la revoyure ; d’acc ? ? On se fait pas la bise mais le cœur y est ; c’est pas tout ça, mais j’ai du taf pour la nuit moi ; oulala…z’avez pas idée…

 
bullet

Vous voulez pas qu’on vous aide, m’sieur le père noël, demanda Miss Couic Couic avec un regard insistant

 
bullet

Heu, non non, vraiment les enfants, ça ira pour ce soir, et puis d’ailleurs, j’ai presque fini ; je rentre me coucher moi, z’avez pas vu l’heure, il est tard ; allez salut les p’tits gars ! ! ! et n’oubliez pas, aimez vous les uns les autres et soyez sages, hein ? ? ?…Ho ho ho les enfants ; et joyeux noël ! ! !

La fraise taguada repartit par où elle était venue, avec un lambeau de tissu en moins au fond de sa culotte.

bulletL’est parti… constata d’un air contrit Titouf ; Sniff…
bulletOuais ; bon, allez, assez attendu, moi j’ouvre mon paquet. Oh, ben ça alors ! ! ! une souris mécanique, ah ben mince alors, c’est pas foutu de moi l’ancien. Et toi ?
bulletOh ! ! ! ah ben dis donc ; mazette ! ! ! fait mine de s’émerveiller Titouf, c’est quoi ça ?
bulletUn canard en plastoc, bof ; c’est banal… j’préfère le mien, il est plus bath que le tien et en plus…
bulletDis donc Miss Couic Couic  ?
bulletQuoi ?
bulletTu, enfin ; tu vois, je me disais qu’on pourrait se faire la bise pour noël non ? après tout…
bulletSi tu y tiens ;
bullet

Titouf, guère habitué à la voir s’approcher ainsi de lui, s’attend à ce que la petite chatte avec laquelle il a partagé tant d’aventures vienne lui déposer sur la truffe un baiser, tendre témoin de l’amitié profonde et de l’estime qu’elle lui porte.

Le petit chien en a la larme à l’œil ; il ferme les yeux pour apprécier ce contact qui scellera pour l’éternité leur communion voulue des dieux, et tend la joue en vue d’y recevoir le baiser de la paix et mime un tendre bisou en retour ; Miss Couic Couic se rapproche de Titouf ; elle voit le charmant petit chien fermer les yeux, son monocle sur l’œil et son bitos de travers. Douce image d’évangile en cette nuit de l’enfant jésus…elle s’avance vers lui, sort ses griffes, et d’un geste motivé par l’atavisme hérité des prédateurs de la plaine, griffe le gentleman.

La peine plus que la douleur réveille Titouf, encore quelque peu anesthésié par les vapeurs d’alcool et par la beauté de voir son désir le plus cher se réaliser. Une larme coule le long de ses babines, le monocle tombe et vient se briser contre la table du salon. Pauvre petit chien, lui qui croit encore à la féerie, à l’esprit de noël, le voilà tout chagriné.

Désormais, il le jure, il ne fera plus preuve d’aucune pitié, n’éprouvera plus de remord. La rédemption et la miséricorde ne seront plus sa loi. Ses yeux lancent des éclairs, la colère le gagne, elle l’appelle, toutes les fibres de son petit corps tremblent d’une émotion et d’un sentiment qu’il n’a jamais éprouvé de toute sa chienne de vie.

bulletPourquoi t’as fait ça ?
bullet

Fallait pas me tenter. Je veux bien être gentille et tout, mais faudrait pas pousser le bouchon plus loin s’énerve soudain miss Couic Couic ; j’suis un chat moi, faudrait voir à pas l’oublier merde ! ! !

Titouf, étonné par la réaction de la chatte, s’excuse platement ;
 
bulletMais enfin, te fâches pas, je ne voulais pas…
 
bullet

Nan, mais c’est vrai, c’est toujours la même chose, c’est toujours moi qui ai le rôle du méchant, marre de ces histoires moi, si l’auteur continue comme ça, je donne ma démission ! ! !

 
bulletAh, non pas ça, je t’en prie, qu’est ce que je vais devenir moi ? tu peux pas me faire ça à moi ! !
 
bullet

Bon, ben …ça va pour cette fois ; je me suis peut être un peu emportée ; c’est vrai qu’il est pas si mal que ça l’auteur.

 
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Oui, d’ajouter Titouf. En plus on rigole bien non ? ah bon ; ça fait rire personne ? je dis ça mais moi j’men fous, j’suis qu’un personnage principal, alors…j’suis payé au SMIC …

 
bullet

Allez, viens clôture Miss Couic Couic, on va se pieuter. Noël, c’est bath, mais faudrait pas que ça dure toute l’année.

 
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Sir, yes sir ! ! ! ne peut s’empêcher de lâcher Titouf. Puis il prend son nouveau canard dans la gueule, remet son monocle et son haut-de-forme et s’en va se pelotonner près de la cheminée avec la chatte sur le tapis persan.

 
bulletAu fait, s’inquiète Titouf, tu crois qui reviendra le fer à Joël ?
 
bulletJ’sais pas, ça dépendra si t’es sage.
 
bulletPas de risque, mois je nage comme un poisson frit dans l’huile ; hi hi hi ! ! !
 

Miss Couic Couic, de guerre lasse, ne relève pas le dernier jeu de mot inapproprié de Titouf et s’endort sans plus de forme.

Le petit chien jette un dernier regard par la fenêtre ; le jour se lève et il neige. Dans la rue, tout est calme. Voilà Bing Crosby qui remet le couvert en chantant " my first Christmas ". Titouf pousse un énième soupir et s’endort lui aussi en rêvant déjà à la grosse paire de fraises taguada qu’il retrouvera l’année prochaine.

Fin…

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Dernière mise à jour : 05/06/05